Le cadrage:

1) Pourquoi cadrer ?

Avec la photographie vous allez essayez de témoigner sur ce que vous avez vu et vécu à un moment donné. Votre objectif c’est de transmettre des informations et des émotions. Pour ce faire vous allez devoir organiser, simplifier, structurer le réel pour qu’il se prête à la représentation photographique.

Vous allez devoir trouver un angle, comme si vous deviez rédiger un article.
Une bonne image suppose un angle, un regard.

L’expérience sensible consiste à voir, avec plus ou moins d’attention ce qui nous entoure. Le photographe regarde et montre. Vous êtes comme l’enfant qui désigne du doigt. Le travail du photographe, c’est de souligner, et donc de sélectionner, des éléments, des instants, de façon à orienter le regard du lecteur. Le plus beau compliment qu’une personne qui vous a accompagné pendant les prises de vue puisse vous faire, c’est « Vous m’avez montré des choses que je n’avait pas vu ».

Une photographie ne s’impose pas d’un coup à la perception. Le regard va balayer rapidement l’image, généralement dans le sens de lecture de la société à laquelle appartient le spectateur. J’ai photographié des acteurs qui exigeaient par contrat d’être placés sur la gauche de l’image, pour l’affiche et les programmes, lorsqu’ils étaient photographiés avec un partenaire.
La composition de l’image va orienter cette lecture par des lignes de force qui vont hiérarchiser sa perception.
L’œil est attiré naturellement par le centre de l’image, par les zones les plus claires, par les êtres humains, par les visages et dans les visages par le regard.

Issy les Moulineaux - www.dehesdin.euSujet principal clair et centré

Issy les Moulineaux - www.dehesdin.euElément humain

Shanghai www.dehesdin.eu Regard (Nikon D70 – 1/20″ – F/4,4 – 400 Iso – 65 mm)

La photographie “objective” n’existe pas:
La photographie objective est un des grands courants de la photographie contemporaine. Les adeptes de ce courant photographique prétendent réaliser des images dont est exclue toute subjectivité. Leurs images ne sont pas supposées susciter une émotion chez le spectateur qui prendrait son origine dans le témoignage du photographe, mais susciter son interrogation, l’obliger à un questionnement personnel.
Je pense que c’est une quête impossible. Il n’y a pas de photographie objective, parce qu’il n’y pas de photographie qui ne fasse appel au sens esthétique de celui qui la regarde. Les plus radicaux (les plus sincères…) utilisent un dispositif identique pour toutes leurs images, avec des cadrages larges et frontaux, une grande profondeur de champ pour que certains éléments ne soient pas mis en valeur par l’opposition flou/net, et parce qu’ils attendent, pour réaliser la prise de vue, que la lumière soit plate et neutre pour ne souligner ou ne distinguer aucun élément du paysage, et qu’il n’y ait aucun être vivant dans le cadre parce qu’il pourrait susciter la projection, l’identification ou l’empathie. Dans la pratique, il suffit d’aller à une exposition de leurs œuvres pour réaliser que ce dispositif, lorsqu’il est appliqué à un grand nombre d’images, suscite un choc esthétique et donc une émotion chez le spectateur qui est indissociable de leur dispositif.

Dans votre pratique de photo-journaliste, ça signifie que quelque puisse l’horreur de ce que vous pourriez être amené à photographier, vous serez toujours de gré ou de force aussi dans une logique esthétique…

Il n’y a pas de règles de cadrage. Ou alors tous les photographes réaliseraient les mêmes images. Ce que je vais vous donner ce sont des trucs. Il faut les considérer comme des béquilles, que vous allez utiliser au début de façon consciente puis que vous allez progressivement intégrer. En multipliant les images, en critiquant vos images, en allant regarder des tableaux et des photographies réalisées par d’autres auteurs, vous allez progressivement développer votre regard.

2) Les 3 temps du cadrage
a) Choisir le sujet de sa photo;
b) Trouver le placement qui va correspondre au meilleur point de vue;
c) Composer son image de façon à organiser l’espace dans le cadre pour que les éléments que l’on a sélectionnés s’imposent au lecteur.

a) Choisir le sujet de sa photo:
On vous a appris à utiliser les mots pour camper une situation et exprimer des émotions. Avec la photographie, ce que vous allez raconter va devoir s’exprimer visuellement. Avant même de penser au cadrage, il vous faut déjà repérer les signes visuels, les éléments qu’il faut montrer, que vous allez devoir inclure dans vos cadrages.

b) Trouver le placement qui va correspondre au meilleur point de vue:
Le choix de la focale:
Avec les zooms dont sont équipés en standard la plupart des appareils vendus sur le marché, on se contente généralement de resserrer ou d’agrandir le cadre sans bouger de l’endroit d’où nous est venu l’envie de réaliser la photographie.
C’est le meilleur moyen de réaliser des photographies sans intérêt…
La première question à se poser est d’ordre quasi mécanique: d’où aurais-je la vue la plus explicite de la situation que je veux enregistrer? C’est alors l’action qui vous impose un placement et donc une focale.

Partie de Go - Beijin - www.dehesdin.eu Nikon D300 – 1/180″ – F/6,7 – 200 Iso – 27 mm

La Seine dans les Hauts de Seine - www.dehesdin.eu Nikon D2x – 1/200″ – F/7 – 200 Iso – 150 mm

La Seine dans les Hauts de Seine - www.dehesdin.eu Nikon D2x – 1/125″ – F/8 – 100 Iso – 60 mm

La Seine dans les Hauts de Seine - www.dehesdin.eu Nikon D2x – 1/320″ – F/9 – 200 Iso – 480 mm

Parce qu’il y a une notion de proximité physique dans la photographie, on a souvent tendance à commencer ses photos de personnes d’assez loin, et ensuite à se rapprocher si ça ce passe bien. Si vous ne faites pas juste une image à la sauvette, mais que vous allez travailler un certain temps au milieu d’un groupe social, je vous conseillerais plutôt d’adopter la démarche inverse. Commencer au contact, pour que les personnes photographiées s’habituent à votre présence, et ensuite vous pourrez vous déplacer au gré de votre inspiration.
Shanghai www.dehesdin.eu Nikon D70 – 1/40″ – F/8 – Iso 200 – 27 mm

Shanghai www.dehesdin.eu Nikon D70 – 1/60″ – F/4 – Iso 200 – 33 mm

c) Composer son image:
Le sujet de la photographie est-il vertical ou horizontal ?
La question peut sembler assez évidente, mais parce que généralement l’ergonomie de nos appareils se prête plus au cadrage horizontal, on a tendance à cadrer en largeur des photographies qui devraient être réalisées en hauteur.
Beijin www.dehesdin.euNikon D300 – F5,6 – 1/125″ – 200 Iso – 160 mm

Cadrer large ou cadrer serré ?
Généralement, les 2 approches sont pertinentes. Une erreur fréquente chez les débutants, c’est de vouloir tout mettre dans son cadre. En photographie aussi, parfois qui trop embrasse mal étreint. Un cadrage serré est souvent plus facile à réaliser, on a moins d’éléments à organiser dans le cadre. Le gros plan peut attirer l’attention sur un détail qui aura échappé à l’expérience commune.
Tokyo Ginza www.dehesdin.eu Canon Powershot G3 – 1/8″ – F/4,5 – 50 Iso – 35 mm

Nikon D70 – 1/15″ – F/4 – 1600 Iso – 45 mm

New-York www.dehesdin.comNikon D300 – 1/160″ – F/6,3 – 200 Iso – 300 mm

Repérer la dynamique de son sujet:
Accompagner le regard ou le déplacement du sujet. Généralement on laisse plus de champs du coté où regarde le sujet.
New-York www. dehesdin.com Nikon D300 – 1/250″ – F/8 – 200 Iso – 300 mm
New-York www. dehesdin.com
Washington Georgetown www.dehesdin.comNikon D300 – 1/80″ – F/5,6 – 400 Iso – 255 mm

Un objet en déplacement gagnera généralement a être représenté en laissant plus d’espace devant le mobile en déplacement que derrière.
Washington www.dehesdin.comNikon D200 – 1/250″ – F/8 – 100 Iso – 155 mm
Washington www.dehesdin.com

Intégrer les éléments graphiques de la scène:
Il s’agit d’organiser l’image en utilisant les lignes directrices présentes dans la scène, les contrastes clair/foncé ou les contrastes de couleur pour diriger le regard du lecteur vers le sujet principal et organiser le cadre.

D’une manière générale, lorsque c’est possible, c’est bien d’organiser son image en fonction d’une ligne directrice principale:
Le Mont St Michel  www.dehesdin.comNikon D2x – 1/250″ – F/7,6 – 100 Iso – 69 mm

Washington www.dehesdin.comNikon D200 – 1/250″ – F/8 – 100 Iso – 80 mm

Deauville la plage www.dehesdin.comNikon D3 – 1/30″ – F/2,8 – 3200 Iso – 36 mm

Deauville les planches www.dehesdin.com Nikon D3 – 1/40″ – F/3,2 – 3200 Iso – 75 mm

Shanghai www.dehesdin.comNikon D300 – 1/160″ – F/6,3 – 200 Iso – 54 mm

Budapest www.dehesdin.euNikon D200 – 1/180″ – F/7 – 100 Iso – 66 mm

Issy les Moulineaux Tiru www.dehesdin.comNikon D70 – 3″ – F/11 – 200 Iso – 36 mm

Andros near Batsi www.dehesdin.comNikon D200 – 1/320″ – F/9 – 100 Iso – 255 mm

Mont Saint Michel www.dehesdin.comNikon D2x – 1/180″ – F/6,7 – 100 Iso – 90 mm

Dans les photos de groupe, on essaie souvent d’introduire une circularité entre les différents personnages en jouant sur les regards et les positions des uns et des autres. De ce point de vue, la peinture classique est très instructive.
Infrarouge www.dehesdin.com

New-York www.dehesdin.comNikon D300 – 1/250″ – F/8 – 800 Iso – 300 mm

Le jeu avec le cadre:
L’image fixe, contrairement à l’image animée, ne permet pas de travailler sur le hors champ. Nos images sont toujours enfermées dans un cadre rectangulaire ou carré, dont elles ne peuvent s’échapper. Un des grands lieux communs que l’on entend sur la photographie, c’est qu’elle est une fenêtre ouverte sur le monde. Casser ce cadre est donc un procédé avec lequel tous les photographes ont envie à un moment ou à un autre de jouer.
Orange www.dehesdin.com
Tiru www.dehesdin.comNikon D70 – 1/20″ – F/3,5 – 1600 Iso – 27 mm

Venise www.dehesdin.comNikon D70 – 1/750″ – F/6,7 – 250 Iso – 195 mm

Conclusion:
Je ne ferai pas de fiche pratique sur le cadrage, parce que tout ce que je viens d’écrire, il faut le connaitre, mais il faut également ne le considérer que comme un outil dont on est le maître et non l’esclave.
Ce sont des béquilles, mais pas des recettes.
Le risque c’est de stériliser complètement son regard. Si vous essayez en permanence de conformer vos images a des règles de cadrage, vous allez finir par perdre l’essentiel, l’instant décisif, et déclencher trop tard. Vos photos seront très propres, mais très ennuyeuses… Et encore, je vous ai fait grâce d’un discours sur le nombre d’or.
Le contre-pied de ces règles parfois fonctionne très bien, si ce n’est mieux.
L’important, c’est de développer votre sensibilité, en sachant que toute image suppose un cadrage et donc une organisation du réel. Il faut toujours penser au cadre, mais jamais s’imaginer qu’il existe une solution toute faite. Tout va très vite, l’action, la lumière, votre propos et il n’y a pas de recette. Face à une même situation différents photographes réaliseront des images toutes excellentes et toutes différentes.

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