La balance des blancs

Le numérique a révolutionné la photographie en couleur parce que nous pouvons désormais éliminer, au moins en partie, les dominantes induites par une lumière qui n’est pas “blanche”.
Cette opération peut être faite à la prise de vue ou/et au post-traitement si on a pris la précaution de travailler en raw.

A la prise de vue:
On va indiquer à l’appareil la température de couleur de la lumière.
C’est un réglage que l’on peut faire en °Kelvin sur les appareils les plus sophistiqués.
Mais comme tout le monde ne dispose pas d’un thermocolorimètre, tous les appareils proposent des modes plus faciles à mettre en oeuvre tels que par exemple: ensoleillé, nuageux, incandescent, fluorescent qui permettent d’indiquer à l’appareil la température de couleur de la lumière en fonction de la nature des sources d’éclairage.

La fonction Balance des blancs sur un smartphone, le Nokia N8.

Il existe également sur tous les appareils numériques une fonction “Automatique” (à ne pas confondre avec le mode Automatique de l’exposition) qui est à priori la plus facile à utiliser. Dans ce cas lorsque l’image sera traitée par l’appareil, son logiciel interne va chercher les zones les plus claires de l’image, supposer que ces zones sont blanches, et afficher en conséquence les couleurs qu’il a enregistrées.
Au post-traitement:
Enfin, on pourra après la prise de vue, en traitant l’image dans un logiciel dédié tel que Photoshop, aller indiquer au logiciel une zone qui devrait être blanche ou grise, pour qu’il fasse la balance des blancs (qu’il élimine les dominantes) sur la base de cette indication.

Les situations où le mode “automatique” de la balance des blancs est pris en défaut:
Dans un monde parfait, la conclusion logique de ce qui précède serait qu’il suffirait de régler une fois pour toute la balance des blancs en mode “automatique” pour avoir une reproduction fidèle des couleurs. Malheureusement, il existe un grand nombre de situations où le logiciel intégré à l’appareil ne donne pas des résultats satisfaisants.

La lumière des lampes électriques:
Nous avons vu précédemment que la température de couleur des lampes au tungstène était très basse (environ 2800°k). La plupart des appareils photos sont incapables de corriger une température de couleur trop basse en mode “Auto”. Ils ne compensent que partiellement la dominante. Dans ce cas, le mode tungstène est préférable.

Reproduction d’une photographie noir&blanc à la lueur d’une lampe électrique.

Certaines lumières artificielles mettent en défaut le logiciel
L’échelle des °Kelvin permet de rendre compte des différentes variations de la lumière naturelle au cours de la journée. Mais elle ne rend compte qu’imparfaitement de certaines des lumières crées par l’homme. Ainsi les néons par exemple, ont souvent tendance à émettre beaucoup de vert. Tout se passe comme si devant une source équilibrée pour 4000°K, on mettait un filtre vert, que les appareils corrigeront en mode automatique avec plus ou moins de bonheur selon leur degré de sophistication. Dans ce cas, il faudra reprendre la balance des couleurs de la photographie au moment de l’editing avec son logiciel de traitement d’image préféré.

Une ruelle du quartier du Dorsoduro à Venise avec la balance des blancs en mode automatique
Venise. La nuit dans le quartier du Dorsoduro

La même image en ayant fait le blanc sur le linge
Venise. La nuit dans le quartier du DorsoduroNikon D70 – 0,5″ – F/3,5 – 800 Iso – 27 mm – Photographies Thierry Dehesdin

Les lumières mixtes:
Très souvent, on est confronté à des situations où des sources lumineuses de différentes natures se mélangent. Par exemple on va faire des photographies dans une pièce qui est éclairée simultanément par la lumière du jour, et par la lumière électrique. On doit donc faire un choix et équilibrer la balance pour la lumière du jour ou pour la lumière artificielle. (Ou choisir un réglage intermédiaire, plus satisfaisant à l’oeil.)

Cette image a été réalisé dans une galerie commerciale. La façade de la boutique est éclairée par la lumière du jour transmise par une verrière. La boutique est éclairée par des spots.

En faisant le blanc sur la façade:
Dehesdin - La balance des blancs
En faisant le blanc sur l’intérieur de la boutique:
Dehesdin - Balance des blancs

Dans cette photographie réalisée sur un marché à Syracuse, le poissonnier au premier-plan est baigné à la fois par la lumière du jour filtrée par une bâche et par une ampoule électrique, alors que c’est un éclairage artificiel qui éclaire le fond de son échoppe en arrière-plan. La première image est équilibrée pour l’arrière-plan. Le fond de la boutique est blanc, mais on observe une dominante bleue sur le poissonnier et tout le premier plan. La deuxième image est équilibrée pour le premier plan. Les visages au premier plan ont des couleurs plus conformes à l’idée que l’on se fait d’un visage, mais le fond de la boutique et le visage à l’arrière plan sont jaunes.

Syracuse, le marchéNikon D300 – 1/60″ – F/4,8 – 200 Iso – 90 mm – Photographies Thierry Dehesdin

J’ai choisi ces deux exemples pour montrer les limites d’une balance des blancs automatique. Dans le premier exemple, aucun automatisme ne peut décider si ce qui est important pour le photographe, c’est la boutique ou sa façade. Dans le deuxième exemple, le photographe va adopter un réglage qui est culturel et non scientifique. Peu importe la couleur du mur du fond de la boutique. Notre cerveau n’a pas d’idée préconçu sur une couleur que nous ignorons lorsque nous regardons la photographie. Par contre, notre culture visuelle fait que nous avons une idée de ce à quoi ressemble un visage. Sur cette image, nous avons vu qu’il était techniquement impossible d’avoir une couleur acceptable sur les visages au premier plan et sur le visage à l’arrière plan. On va généralement privilégier les visages au premier plan dans la colorimétrie, d’une part parce qu’ils sont au premier plan et d’autre part parce qu’ils occupent plus de surface dans l’image.

On est régulièrement confronté à ce genre de situation lorsque l’on utilise un flash de reportage dans une pièce éclairée par des lampes électriques. Le premier plan illuminé par le flash est baigné par une lumière qui est proche de la température de couleur de la lumière du jour, alors que l’arrière plan est éclairé par une température de couleur très basse, celle des lampes électriques. Alors soit on remplace toutes les lampes électriques par des ampoules équilibrées pour la lumière du jour (efficace mais long et onéreux), soit on met une gélatine devant le flash pour que sa température de couleur se rapproche de celle des lampes électriques, soit on vit avec. C’est d’ailleurs relativement facile, car si la balance des couleurs est faite pour les visages situés au premier plan, notre perception s’accommode très bien d’un arrière plan trop chaud. Dans ce dernier cas, la différence de colorimétrie entre le visage, naturel, et l’arrière fond jaune orangé, loin d’être une limite technique de la représentation photographique, relève lorsqu’elle est maîtrisée par le photographe, de l’expression photographique. L’exploitation des différences de température de couleur, permet au même titre que l’opposition net/flou (profondeur de champ) d’isoler le visage du fond.

Dans la pratique, lorsque l’on est en présence d’images où les lumières sont mélangées, on obtient généralement le résultat le plus satisfaisant en reprenant la colorimétrie à l’éditing dans son logiciel préféré et en choisissant à l’oeil une valeur intermédiaire satisfaisante pour l’image conçue comme un tout même si les couleurs de chaque élément considéré individuellement ne sont pas exactes.

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