Tous ce qui nous environne a une couleur, mais c’est la lumière qui nous permet de percevoir la couleur des objets qui nous entourent.
Lorsque la lumière frappe un objet, une partie de son rayonnement est absorbé par l’objet, et une partie est réfléchie. La couleur de l’objet, c’est la partie du rayonnement qui est réfléchie par l’objet.
Une rose rouge est rouge parce qu’elle réfléchit le rayonnement rouge de la lumière et qu’elle absorbe tous les autres. Un objet noir, absorbe l’intégralité de ce rayonnement et une feuille blanche réfléchit l’intégralité de ce rayonnement. Si maintenant on place un filtre vert devant cette lumière, la rose devient brunâtre parce qu’elle n’a presque plus de rayonnement rouge à réfléchir, la feuille blanche devient verte parce qu’elle n’a que du vert à réfléchir, et un morceau de charbon reste noir parce qu’il absorbe le vert.
Prise de vue argentique 4×5″ – Photographie Thierry Dehesdin
Je ne vais pas m’étendre sur la nature fondamentale de la lumière. Cela excéderait et l’objet de ce cours et mes compétences. Ce qu’il faut retenir, c’est que la lumière du soleil que l’on voit blanche est en réalité un mélange de rayonnements lumineux ayant des couleurs différentes. Et c’est la superposition de toutes ces couleurs élémentaires qui nous donnent l’impression que la lumière est blanche. Lorsque l’on a placé un filtre vert devant la lumière, le filtre a bloqué toutes les couleurs qui composent la lumière blanche à l’exception du vert.
La lumière du jour, dont je viens de dire qu’elle était blanche, n’est pas constante. De l’aube au crépuscule, une partie des rayons qui la compose seront filtrés par l’atmosphère et les nuages. Les objets que nous observons vont voir leurs couleurs se modifier. La lumière du jour est beaucoup plus “chaude” au lever ou au coucher du soleil. Les couleurs nous semblent plus jaunes/orangées. Elle sera plus “froide” dans la journée et encore plus froide si le ciel est nuageux ou si l’on regarde des objets situés dans l’ombre. Les couleurs nous semblent plus bleues. Le soleil nous semble rouge lorsqu’il se couche parce que une grande partie de son rayonnement bleu est perdu par dispersion dans l’atmosphère. Les sources d’éclairages d’origine humaine ont également des dominantes colorées différentes. L’éclairage d’une bougie ou d’une lampe à huile va donner une lumière beaucoup plus chaude que le soleil à midi ou le flash de votre appareil.
Prise de vue argentique réalisée à la nuit tombée sur un film équilibré pour la lumière du jour – Photographie Thierry Dehesdin
La température de couleur:
Lord Kelvin a construit une échelle pour caractériser ces variations de couleur de la lumière. Il a constaté qu’en chauffant un corps noir à haute température celui-ci émettait un rayonnement coloré qui allait du rouge au bleu en passant par l’orangé le jaune et le blanc en fonction de la température de chauffe. On a construit une échelle en °Kelvin basée sur cette observation pour caractériser la proportion des différentes couleurs dans la lumière visible qui établit une corrélation entre une température et la répartition des différentes longueurs d’ondes dans le spectre lumineux.
Une indication très grossière de différentes températures de couleur:
1800°K une bougie; 2800°K une ampoule d’éclairage ordinaire, 3100°K levé ou couché du soleil, 3200°K lampe halogène, 5500°K la lumière du jour moyenne; 6000°K le flash; 6000°K grand soleil avec un ciel bleu, 8000°K un ciel brumeux.
Nikon D70 – 1/250″ – F/8 – 200 Iso – 27 mm – Photographie Thierry Dehesdin
L’oeil, le cerveau, l’appareil photo et la couleur:
L’oeil perçoit les couleurs parce que la rétine est tapissée de cones qui lui permettent de différencier les couleurs. Certains sont surtout sensibles au rouge, d’autres au vert et enfin au bleu. Et c’est le mélange de ces trois perceptions (rouge/vert/bleu) qui va permettre au cerveau de reconstituer toutes les couleurs du spectre visible. Il existe des différences physiologiques entre les individus et nous ne voyons pas tous les couleurs de la même façon.
L’oeil est capable de distinguer une centaine de milliers de couleurs différentes que l’on peut différencier en fonction de trois critères: leur tonalité (c’est leur couleur dans l’arc en ciel: rouge, vert, bleu etc.), leur luminosité (c’est le % de lumière réfléchi par l’objet: la teinte sera plus ou moins claire) et leur saturation (c’est l’intensité de la teinte). Une couleur ayant une teinte précise sera désaturée si celle-ci est associée à un gris possédant une luminosité identique).
Nous avons vu que la température de couleur de la lumière influençait notre perception des couleurs. Les couleurs sont “justes” lorsque l’on utilise une lumière “blanche” qui met en évidence des couleurs proches de celles qui sont mises en évidence par une lumière du jour qui aurait entre 5000 et 5500°K. On peut le vérifier empiriquement. Lorsque nous achetons un vêtement exposé à la lumière électrique dans une boutique, nous allons le présenter à la lumière du jour pour nous assurer de sa couleur. Ce que nous considérons comme la couleur du vêtement n’est pas celle que nous avons vu à la lueur des néons ou des halogènes de la boutique, mais celle que nous découvrons à la lumière du jour.
C’est notre cerveau qui va interpréter ces signaux et notre cerveau n’est pas un appareil scientifique: le cerveau perçoit les couleurs qu’il s’attend à voir.
Lorsque l’on observe une feuille blanche à la lumière électrique, nous la percevons blanche et non jaune parce que notre cerveau sait qu’elle est blanche. Pour discriminer des nuances subtiles dans un coloris, nous sommes parfois obligé de poser côte à côte les couleurs que nous cherchons à distinguer. Deux objets qui nous semblent gris lorsqu’on les considère individuellement, vont se distinguer en un gris bleu et un gris vert si on les place l’un à côté de l’autre par exemple. Il y a également probablement une dimension culturelle dans notre aptitude à différencier ou non certaines teintes. Les Inuits qui vivent la majeure partie de l’année au milieu des glaces et de la neige, ont 7 mots différents pour différencier des nuances dans la couleur blanche.
La reproduction des couleurs et l’appareil photo:
Le film argentique et le capteur numérique de votre appareil photo, ont été conçus pour reproduire les couleurs d’une façon proche de l’expérience sensible lorsque les objets photographiés sont éclairés par une lumière blanche. Mais ils enregistrent ces couleurs telles qu’elles sont, sans l’interprétation du cerveau. Ils ne peuvent donc reproduire ces couleurs correctement que dans la mesure où la température de couleur de la lumière est proche de la température de couleur pour laquelle ils ont été conçus. Si la lumière n’est pas blanche, et qu’ils ont été optimisés pour reproduire des couleurs proches de la lumière du jour par exemple, ils reproduiront la dominante colorée liée à la nature de la source lumineuse. Ainsi, une photo de la feuille blanche éclairée par une lampe électrique nous montrera une feuille jaune sur un film équilibré pour la lumière du jour. Pour que la photographie reproduise les couleurs que notre cerveau a vu dans l’expérience sensible, il faut neutraliser les rayons lumineux qui font que la source lumineuse n’est pas blanche.
Nikon D300 – 200 Iso – 1/400″ – F/10 – Photographie Thierry Dehesdin
Photo réalisée en indiquant à l’appareil que la lumière est issue d’ampoules électriques
Photo réalisée en indiquant à l’appareil que l’on est en lumière du jour.
La différence argentique/numérique:
En argentique, lorsque l’on travaille sur du film inversible, on dispose de 2 types de films: les films équilibrés pour la lumière du jour (ils reproduisent les couleurs à l’identique de ce que perçoit notre cerveau lorsque la scène que l’on photographie est éclairée par la lumière du jour), et les films équilibrés pour la lumière artificielle (ils reproduisent les couleurs en corrigeant les dominantes induites par la lumière artificielle). Si l’on veut utiliser un film lumière du jour à la lumière artificielle, on utilise un filtre bleu pour corriger la température de couleur (en filtrant le jaune) et inversement un filtre orange pour corriger la température de couleur (en filtrant le bleu) si on utilise un film équilibré pour la lumière artificielle en lumière du jour. En négatif couleur, la problématique est différente, parce que, au tirage, on va filtrer la prise de vue originale, avec plus ou moins de bonheur selon les conditions de prises de vue, pour corriger les dominantes colorées. Mais nous avons vue que dans la vie réelle, la température de couleur change constamment en fonction de l’heure et de la météo. Dans la pratique si l’on veut reproduire fidèlement en argentique les couleurs, soit on ne travaille qu’avec des sources de lumière dont on peut contrôler la température (en studio) soit on utilise un thermocolorimètre qui analyse la lumière et nous donne les filtres colorés à placer devant l’objectif (ou sur le source de lumière) pour éviter les dominantes.
Le numérique a révolutionné la photographie en couleur parce que le traitement numérique de l’image qui a été enregistrée par l’appareil est capables de prendre en compte la température de couleur de la scène qu’il doit enregistrer pour simuler le rendu coloré d’une lumière blanche, même lorsque la lumière n’est pas blanche. On fait “la balance des blancs”.