La burqa est un “bon” sujet pour les photographes. Les photographies pittoresques, angoissantes ou provocantes se multiplient dans la presse et sur internet. Les femmes qui la portent se trouvent dans la situation paradoxale d’attirer l’attention de la société et des photographes en voulant se dissimuler. En même temps, si l’on pense que la photographie doit montrer le monde tel qu’il est, ces photographies ne sont que l’écume du phénomène dans la mesure où les pays qui obligent les femmes à porter la burqa, que ce soit par la loi où la violence des hommes, sont aussi ceux où il est le plus dangereux de réaliser des photographies et donc ceux dont on a le moins d’images. Les photographies disponibles sur internet témoignent beaucoup plus de l’émotion suscitée par la burqa en occident, que de la réalité de ce que vivent l’immense majorité des femmes qui la portent.
Photographie Thierry Dehesdin
Si on écarte le fait religieux, la volonté de certaines femmes de se dissimuler volontairement dans une burqa pour ne pas “s’exhiber” devant des hommes, relève d’un problème de santé publique que l’on pourrait rapprocher de l’anorexie mentale même si heureusement dans le cas de la burqa, il ne concerne en France que quelques femmes. On est dans les deux cas en présence d’une psychopathologie de l’image du corps. La responsabilité de la photographie a souvent été évoquée dans le cas de l’anorexie, mais ce n’est pas la photographie en elle-même, mais l’utilisation qui en est faite par la société englobante qui pose problème.
Mais le plus incompréhensible et le plus fascinant dans cette affaire pour le photographe, c’est sans doute la radicalité de ce rejet du regard de l’autre. Or la photographie n’est que regards. Celui du photographe au travers de sa prise de vue. Celui de ceux qui vont la voir. Lorsque l’on contemple une image, la première chose que l’on découvre, ce sont les êtres humains, puis c’est leur regard. Il y a, indirectement, un refus symbolique de ce qui fonde la photographie dans la démarche de ces femmes qui considèrent que ce corps et ce visage qui leur a été donnés par Dieu sont un objet de honte que l’on doit dissimuler aux regards. C’est comme le stade ultime de l’interdiction de représenter la création divine qui a parcouru les religions du livre a des degrés divers selon les époques. Ce n’est plus seulement l’image de la femme qui doit disparaître, mais le femme elle-même.
La condamnation de l’idolâtrie
“« Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punit l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fait miséricorde jusqu’à mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements.» Exode 20:4-6 2
Représenter des êtres vivants, c’est imiter Dieu.
“The reason for the unlawfulness of pictorial representation is that it imitates the creative act of Allah Most High, as is indicated by the hadith related by Imam Bukhari and Imam Muslim that A’isha (Allah be well pleased with her) said, “The Prophet (Allah bless him and give him peace) returned from a trip, and I had draped a cloth with picture on it over a small closet. When he saw it, he ripped it down, his face colored, and he said, “A’isha, the people most severely tortured by Allah on the Day of Judgment will be those who try to imitate what Allah has created,”
Mais la fascination qu’exerce sur l’homme la vison de son corps et de son visage est sans doute aussi ancienne que l’humanité et a été jusqu’à présent plus forte que les interdits religieux en dehors de périodes limitées dans le temps et l’espace. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que dès les débuts de la photographie, ses deux grands marchés aient été le portrait et le nu: “A partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s’empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil. ” Charles Baudelaire Et à en croire “L’art du nu au XIXème siècle”, on évalue en 1853 à 40% la production de photographies représentant des “études d’après nature”. Euphémisme désignant principalement des nus que l’on destinaient officiellement aux artistes peintres, dessinateurs ou sculpteurs pour éviter la censure en sublimant dans sa destination, l’art académique, ce que le réalisme de la représentation photographique pouvait avoir d’obscène aux yeux des censeurs de l’époque.
[…] de toucher la peau de son fils. Mais bon en tant que photographe, j’ai un gros problème avec la radicalité du rejet du regard de l’autre qui est derrière le voile, et c’est peut-être pour cette raison que cette image me semble […]